Casser les discours des certitudes révélées, si laïques soient-elles
Jean-Louis Bianco, Président de l’observatoire de la laïcité, était à Annecy en septembre. (cliquez ICI pour voir son interview). Colette Charlet, du comité de rédaction de librinfo, nous livre son analyse sur cette soirée organisée par les élus socialistes.
Des mots/maux aux actes dans le débat sur la laïcité
On n’a jamais autant parlé de « laïcité » et du vivre ensemble. Que ce soit à la radio, à la TV ou dans les médias écrits… Certes, comme le rappelait Jean-Louis Bianco,elle est au coeur du débat public et de notre quotidien. Dans cette période si difficile et conflictuelle, tout est fait pour nous détourner des problèmes réels de la société. Ce n’est pas parce que l’on va faire un travail d’explicitation dans le champ éducatif, culturel, que l’on va produire des brochures en direction des collectivités territoriales, des hôpitaux publics etc…que les conflits vont cesser.
Bien sûr qu’il y a nécessité d’informer et de se former, mais il faut analyser le contexte. Tout est « centré sur la pensée de guerre ». Elle est celle qui domine la pensée politique de nos gouvernants du système néo-libéral qu’ils s’affichent de gauche ou de droite. Sans que l’on s’en rende compte, cette idéologie guerrière s’installe dans les têtes; « héritage des guerres coloniales, désignant les ennemis de l’intérieur », criminalisant certaines actions revendicatives, effrayant les milieux populaires, opposant les différentes communautés pour mieux les manipuler, les empêcher de maîtriser leur propre destin.
Mais qui est venu débattre?
Les personnes présentes en ce débat étaient convaincues de faire la « promotion de la laïcité républicaine » qu’ils soient élu(e)s de gauche ou de droite, représentant(e)s du tissu associatif insérés dans le tissu social, inquiets des processus de radicalisation… On aurait dû se poser la question : Pourquoi la laïcité est-elle l’affaire de ces personnes en situation de responsabilités sociales, politiques, culturelles?
Mais, où étaient passés les jeunes pour débattre d’égal à égal, développer des projets, se conscientiser, agir pour transformer des situations insupportables? Et pourtant, on nous répète que la laïcité est l’affaire de tous et toutes, que c’est une constante préoccupation, qu’elle s’inscrit dans le cadre institutionnel depuis 1905. Il est de notre responsabilité de créer les conditions pour que les jeunes soient acteurs des changements de société. Il ne s’agit pas de faire des projets pour eux mais avec eux et sans commisération. ce n’est pas une affaire de charité.
Que se passe t-il sur le terrain?
La mise à l’écart social de franges de la population a brisé la cohésion et produit le communautarisme. Pour produire du « vivre ensemble »; il faut que vive l’éducation populaire au travers de projets où s’exerce sa liberté de création et d’expression. Elle permet ainsi le développement de l’émancipation. Hélas, ici comme ailleurs en particulier dans notre région, de nombreuses structures vont disparaître faute de subventions et de choix politiques, de réductions des budgets publics. On pourrait citer de nombreux exemples révélés par des enquêtes. Par exemple : partir en colonie de vacances devient un luxe!
De nombreux droits contenus dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, pourtant ratifiée par notre pays sont de plus en plus bafoués. Nous n’y échappons pas. Quand on pense que les lieux d’éducation populaire constituèrent des leviers de transformation, d’échanges interculturels où l’on pouvait exercer sa liberté de conscience et de religion sans problème. Les associations partenaires de l’école furent partie prenante des écoles de formation des enseignant(e)s et des travailleurs sociaux. Il y avait un engagement social en direction des plus fragiles. Ainsi, nous venons d’apprendre que la Semaine de la solidarité internationale dans le département, qui se tient en Novembre prochain voit son budget réduit.
Aujourd’hui, où en est-on, en dehors des campagnes médiatisées? Il nous faut traiter ces questions profondément politiques, loin des effets d’annonce. Il est venu le temps d’oser dans la diversité, de casser les discours de certitudes révélées si laïques soient-elles. Nous savons que des groupes s’en préoccupent. En ce débat, il nous fut encourageant de découvrir le travail concret réalisé au village d’Entremont, permettant aux habitants de s’approprier l’Histoire de la laïcité. Il ne s’agissait pas de mettre en avant des personnes bien établies, mais d’ouvrir des possibles, des perspectives. Il en va de l’exercice de la démocratie et de la citoyenneté. Cela ne se décrète pas à coup de baguette magique. Cela se construit sans discrimination.
Il y a urgence!