Ce mardi soir, le film Aïcha était projeté à Thorens-Glières dans le cadre du « tour de France » d’Anticor, qui lutte sur tout le territoire contre la corruption. Après la séance, la salle a pu débattre du sujet avec des représentants locaux et le salarié national de l’association. En Tunisie, comme l’illustre le film, en France et partout ailleurs, la corruption est un véritable fléau à combattre sans cesse pour protéger la démocratie et les libertés publiques :
Un singulier portrait de femme
Aya est une jeune femme tunisienne d’une vingtaine d’années qui vit à Tozeur, ville du Sud de la Tunisie, aux portes du désert. Pour gagner sa vie, elle travaille comme femme de ménage dans un hôtel touristique local et a une liaison, visiblement sans grand avenir, avec le directeur de l’établissement, déjà marié. Les premières minutes du film suivent l’héroïne au cordeau, de son domicile qu’elle partage encore avec ses parents âgés, qui tiennent à marier leur fille unique avec un bon parti, sans se préoccuper de son consentement, à son lieu de travail où elle se rend en taxi collectif, semblant sans cesse oppressée par son emploi du temps. Et c’est dans ce taxi que son destin bascule. Après un accident de celui-ci, seule rescapée, Aya décide de se faire passer pour morte, et tente de prendre en main son destin, direction Tunis, la capitale, pour se réinventer une nouvelle vie. Malheureusement pour elle, semblant toujours être au mauvais endroit au mauvais moment, la jeune femme se retrouve au centre d’une affaire de meurtre après une rixe qui tourne mal en boîte de nuit, impliquant des policiers, voyant sa nouvelle identité compromise.
Ce personnage féminin d’Aya, en quête perpétuelle d’indépendance et d’émancipation, est porté avec brio par l’actrice tunisienne Fatma Sfar[1], dans son premier grand rôle au cinéma. Si les multiples rebondissements du scénario pourront en laisser certains dubitatifs, Aïcha constitue d’abord un formidable portrait de femme en quête de liberté dans une société patriarcale et corrompue. Pourquoi Aïcha ? Le réalisateur Mehdi Barsaoui[2], déjà remarqué par la profession en 2019 pour son film Un fils[3], s’en explique dans une interview :
« C’est un choix qui s’est imposé dès le départ parce que Aïcha en arabe veut dire “vivante” ; c’est aussi un prénom. » Et on le comprendra encore mieux à la toute fin du film.
Au-delà de son héroïne, le film Aïcha dresse également en creux un paysage très critique de la société tunisienne actuelle de l’après Ben Ali[4], encore gangrénée par la corruption malgré tous les espoirs qui avaient été portés par la Révolution de 2011[5]. Et la corruption est un fléau qui nous concerne toutes et tous, comme le rappellent les représentants d’Anticor durant le débat qui suit la projection.
La corruption, tous concernés
En effet, il n’y a pas que la Tunisie de l’après Ben Ali qui est concernée par la corruption. Celle-ci désigne une infraction pénale commise par une personne ou une organisation ayant position d’autorité afin d’acquérir des avantages illicites ou d’abuser de son pouvoir à des fins personnelles[6]. La corruption gangrène les systèmes politiques de très nombreux pays, dont la France, très loin d’être épargnée. Au contraire, d’après Transparency International, la grande ONG qui lutte partout sur la planète contre la corruption, notre pays subit actuellement une dégradation alarmante de son IPC[7], ayant perdu cinq places dans le classement mondial en 2024.
C’est tout l’objet d’Anticor. Cette association française anticorruption, qui lutte sans relâche pour la probité en politique et la réhabilitation de la démocratie représentative, s’est faite connaître en 2011 suite à la plainte qu’elle avait déposée dans le cadre des emplois fictifs à la Mairie de Paris impliquant Jacques Chirac. Anticor[8] est à l’origine d’enquêtes sur des personnalités politiques de premier plan, comme Eric Dupont-Moretti, Richard Ferrand ou encore Alexis Kohler, l’ex-secrétaire général de l’Elysée d’Emmanuel Macron mis en examen notamment pour prise illégale d’intérêts[9]. Cette dernière affaire a valu d’ailleurs sans nul doute à l’association de perdre durant quelques mois son agrément anticorruption lui permettant d’ester en justice[10].

Maxence Lambert au Parnal le 22 juillet 2025 ©Benjamin Joyeux
C’est ce qu’explique Maxence Lambert, juriste d’Anticor et salarié de son équipe nationale, au Parnal ce 22 juillet devant une trentaine de personnes présentes à la projection d’Aïcha. Celui-ci témoigne sur le fait que tout le monde est concerné par la corruption, Anticor organisant justement son « tour de France »[11] pour sensibiliser le grand public sur la question sur l‘ensemble du territoire national. Au vu du nombre de questions posées par la salle pendant plus d’une heure, la mission semble réussie au Parnal ce mardi soir.
Anticor est présente sur tout le territoire et a une section en Haute-Savoie, département dans lequel elle a d’ailleurs porté récemment une action juridique contre un soupçon de prise illégale d’intérêts sur la commune des Gets[12]. En cas de soupçon de corruption sur le département, n’importe quel citoyen peut contacter son groupe local à l’adresse suivante : gl74@gl-anticor.org. Alors il ne faut pas hésiter !
Rousseau écrivait déjà en 1756 : « On peut dire qu’un gouvernement est parvenu à son dernier degré de corruption quand il n’a plus d’autre nerf que l’argent. »
A se demander s’il ne parlait pas de la France de 2025 sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Benjamin Joyeux
[1] Voir https://www.instagram.com/fatma___sfar/
[2] Lire https://www.meditalents.net/auteurs/mehdi-barsaoui
[3] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_fils_(film,_2019)
[4] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_tunisienne
[5] Lire à ce propos https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/la-revolution-tunisienne-un-gout-amer-d-inacheve,4697
[6] Voir art. 432-11 du Code pénal : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042780056
[7] Pour Indice de Perception de la Corruption, voir https://transparency-france.org/2025/02/11/la-france-degringole-dans-lindice-de-perception-de-la-corruption-2024-une-alerte-democratique-inedite/
[8] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Anticor
[9] Lire https://www.anticor.org/2024/11/26/affaire-alexis-kohler-les-faits-ne-sont-pas-prescrits/
[10] Lire https://www.anticor.org/agrements/ et https://www.anticor.org/2025/04/15/victoire-danticor-le-gouvernement-aurait-du-renouveler-lagrement-des-decembre-2023/
[11] Lire https://www.anticor.org/2025/05/28/anticor-prend-la-route-un-tour-de-france-citoyen-contre-la-corruption/
[12] Lire https://www.anticor.org/affaires-anticor/affaire-les-gets/