Par Sandra Stavo-Debauge
Les porteurs du projet JOP 2030 se sont assis sur leurs obligations d’information et de consultation du public comme le prévoient à la fois la charte de l’environnement et la convention d’Aarhus des Nations Unies ratifiée par la France. Malgré les sollicitations de différents parlementaires[1], d’ONG de défense de l’environnement[2], la CNDP (Commission nationale du débat public) n’a jamais été saisie de ce dossier.
Quand les citoyens n’ont pas voix au chapitre, reste la voie de la justice : face à ce qu’il estime être une violation de la convention d’Aarhus, une violation des droits, un déni démocratique et climatique, le Collectif citoyen JOP2030 a saisi l’ONU d’une part et le Tribunal Administratif d’autre part pour attaquer le contrat hôte olympique et la décision d’engager les JO.
La France s‘est officiellement engagée à organiser les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2030 dans les Alpes, sans informer ni consulter la population au préalable, ce qu’elle aura dû faire dans un État de droit.
Un État de droit que la droite ne cesse d’égratigner.
Porté par les présidents Les Républicains de la région PACA, Renaud Muselier, et l’ex-président de Région AURA, Laurent Wauquiez qui flirte avec l’extrême droite, le projet de JOP2030 est l’exemple criant d’un déni démocratique, mais également social et environnemental. La stratégie semble être de mettre les citoyens devant le fait accompli, dans une sorte d’entonnoir où nul retour en arrière ne serait possible. Mais c’est sans compter sur la veille du Collectif citoyen JOP 2030 constitué de juristes, avocats et analystes. Il se livre depuis dix-huit mois, bénévolement, à une analyse minutieuse des enjeux juridiques et financiers des JOP 2030 et s’engage pour la transparence de la vie publique. Il a découvert que ces Jeux n’étaient pas franchement dans les clous des règles de droit français. Émettant de sérieux doutes sur la légalité du contrat hôte olympique, il a engagé diverses actions en justice pour dénoncer l’opacité du projet JOP 2030, la violation de nos droits, la gabegie financière, le désastre social et l’aberration environnementale de ces Jeux Olympiques 2030.
Une cagnotte[3] participative permet de récolter des fonds pour les frais de justice engagés.
Actions en justice : un premier tour de piste à l’automne 2024
Après avoir déposé une lettre de demande en caducité au siège du Comité international olympique à Lausanne en juillet dernier (https://librinfo74.fr/une-delegation-opposee-aux-jeux-dhiver-2030-rallie-a-velo-le-siege-du-cio-a-lausanne-avant-la-date-fatidique-du-24-juillet/ ), le 26 novembre 2024, le Collectif Citoyen JOP 2030 avait lancé devant le tribunal administratif de Lyon un recours en référé-liberté, c’est-à-dire un recours juridique en urgence pour suspendre la signature du contrat hôte olympique qui lierait irrémédiablement au CIO (Comité international olympique) les deux régions organisatrices, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La Ligue des droits de l’Homme, participait également en soutien de cette action. L’avocate du collectif, Maître Ogier, expliquait le fondement de ce recours en référé-liberté à nos confrères d’Alpinemag : « Il y a un principe constitutionnel qui est le principe de participation du public (la convention d’Aarhus). Nous demandons au juge des référés de suspendre la signature du contrat, s’il est encore temps, pour permettre une telle mesure de participation du public. » Ce référé a été rejeté le 28 novembre au motif que « la participation du public ne constitue pas une liberté fondamentale. »
Toujours à l’automne 2024, le second référé du Collectif Citoyen JOP 2030 portait sur la demande de communication du contrat hôte olympique signé. « Suite à notre demande, et du fait de la transmission de la requête à la région AURA, celle-ci a fait une réponse de 22 pages, simplement pour nous dire qu’ils ne peuvent pas nous communiquer le contrat hôte signé, puisqu’il ne l’est pas ! », nous confiait alors Madame Larat du Collectif citoyen JOP2030.
Le contrat hôte non signé
Deux premiers référés en justice qui n’étaient qu’un tour de piste d’échauffement ; un moyen d’apprendre que le contrat hôte n’avait pas encore été signé, l’opacité régnant en maître dans ce projet olympique. Le contrat hôte a fini par être signé par le CIO le 9 avril 2025, soit après la nomination du président COJOP du (Comité d’organisation des Jeux), Edgar Grospiron, le 18 février 2025, après moult atermoiements (Le directeur général du COJOP, Cyril Linette est nommé deux mois après le président, le 18 avril). Premier coup de canif au contrat ? Le COJOP est normalement constitué en vertu du contrat d’hôte. Contrat hôte que l’article 36 de la charte olympique impose au CIO de le signer dès l’attribution des jeux (le 24 juillet 2025). Relevons également que la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) n’a jamais rendu aucun avis favorable concernant Edgar Grospiron… Ils s’arrangent donc même avec leurs propres règles !
Ubu roi et David contre Goliath
4 ans et demi avant les JOP2030, le COJOP se permet de prendre son temps. Les américains, eux, inauguraient leur propre COJOP pour préparer leurs JO d’hiver de 2034, une semaine avant le COJOP pour Alpes 2030 ! L’impréparation des protagonistes de ces JO est ubuesque. Elle ne rassure pas : « Ce dossier entièrement politique marqué par une impréparation majeure, voit un délai si contraint (il reste 4 ans et demi avant les Jeux d’hiver 2030) que c’est la porte ouverte à des lois olympiques extrêmement dérégulatrices, notamment en regard du droit de l’environnement », s’inquiète Delphine Larat, juriste et porte-parole du collectif Citoyen JOP2030 qui ne lâche rien, tel David contre Goliath.
Le vendredi 16 mai 2025, lors de la conférence de presse du collectif devant le COJOP (et ses locaux vides) à Décines, (https://librinfo74.fr/jeux-olympiques-dhiver-2030-democratie-bafouee/), elle rappelait que : « Dans sa note du 29 novembre 2024[4], l’Autorité Environnementale a précisé que le dossier JOP 2030 « doit être considéré comme un projet au sens du droit de l’environnement », et qu’en tant que tel il doit obligatoirement faire l’objet d’une procédure de consultation tant que toutes les options sont encore ouvertes, c’est-à-dire quand l’abandon d’un tel projet peut encore être envisagé. »
La Saisine du Comité d’Aarhus aux Nations Unies
Le Collectif citoyen JOP2030 pouvait lancer sa deuxième salve en justice, une fois le contrat hôte signé, et a dévoilé au médias deux actions en justices ce 21 mai.
Il a saisi les Nations Unies d’une part, le tribunal administratif de Lyon d’autre part, estimant notamment que : « le projet JOP 2030 est en contradiction flagrante avec la Constitution française et la convention d’Aarhus des Nations Unies ratifiée par la France ; qu’il aura de forts impacts environnementaux, directs et indirects, notamment sur la ressource en eau et les écosystèmes montagnards fragiles et encore fragilisés ; que les garanties financières exorbitantes exigées par le CIO et déjà votées pour deux d’entre elles à hauteur de 570 millions € dans le budget 2025[5] et les financements publics très conséquents qui vont être engagés par l’Etat et les régions AURA et PACA à hauteur de 462 millions € soit 23% du budget du COJOP[6], doivent être débattues et validées par des représentantes et représentants du peuple souverain. » Deux saisines pour demander la suspension de l’exécution du contrat hôte olympique et de la décision publique d’organiser les Jeux d’hiver 2030. Il demande également à l’État un moratoire sur les lois spéciales olympiques, lois qui permettent de déroger à de nombreuses normes et notamment environnementales. Enfin, il demande aux porteurs du projet de saisir immédiatement la Commission nationale de débat public (CNDP) pour qu’un débat public soit organisé sous l’égide de cette commission dans les meilleurs délais et tant que des alternatives au projet sont encore possibles.
Les lois d’exception, porte ouverte à la dérégulation
Les lois olympiques d’exception ont été présentées en conseil des ministres[7] le 14 mai, elles seront débattues au Sénat le 24 juin. « Les lois olympiques vont être examinées et votées par les parlementaires en Juin. Sans plan de financement, sans feuille de route, sans répartition des sites validée. Sans savoir qui va payer quoi entre Régions et communes. Dans un contexte budgétaire et économique où par ailleurs on nous demande de faire 60 Milliards d’économie, où il est apparemment impossible de nationaliser les fleurons industriels français qui subissent les plans de licenciements massifs.. », déplorait la conseillère régionale AURA Les Écologiste et élue Eelv d’Albertville, Claudie Terroy-Léger, à la sortie des commissions Montagne et Sport JOP2030 de la région, le 15 mai.
Empêcher les lois olympiques d’exception que les sénateurs veulent voter le 24 juin
« Une fois adoptée, la loi cadre olympique rendra les recours ultérieurs en justice quasiment impossible. Il sera beaucoup plus difficile de revenir en arrière et d’obtenir une procédure d’information et de consultation du public qui offre des alternatives possibles », avertit Delphine Larat. « Dans ce contexte où l’État de droit – qui passe par la garantie que les processus de participation et d’information du public sont respectés -, est affaibli et ne semble plus être intangible (ndlr : Cf. les déclarations de M. Retailleau), la saisine du Comité d’Aarhus est importante, car elle aura un spectre beaucoup plus large que les seuls JOP 2030 », conclut-elle.
Nous vous tiendrons au courant de la recevabilité de ces deux saisines.
[1] Question orale n° 740 : Impact écologique des Jeux Olympiques d’hiver 2030, posée par Elisa MARTIN, députée LFI/NUPES https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-740QOSD.htm
[2] Réponse de la CNDP à la demande de débat public demandée par FNE et Moutain Wilderness https://www.fne-aura.org/uploads/2024/09/jo-2030_reponse-cndp_demande-debat-public_fne-et-m.pdf
[3] https://www.helloasso.com/associations/attac-05/colleectes/action-en-justice-contre-le-projet-jop-hiver-2030-alpes-francaises
[4] Note de l’Ae – Point de vue des autorités environnementales sur l’évaluation environnementale du projet « Jeux olympiques et paralympiques – Alpes françaises 2030 »
[5] La troisième garantie financière dite de « déficit du COJOP », qui elle est illimité doit être intégrée au budget 2026. Pour mémoire, le budget 2022 de l’Etat français avait intégré cette garantie pour les JOP 2024 à hauteur de 3 milliards €
[6] Selon le budget prévisionnel tel que mentionné dans le rapport de la commission de futur hôte rendu par le CIO
[7] Le conseil des ministres a lieu chaque mercredi et définit les projets de lois et de réformes à venir.