Comment donner réalité aux « rêves de paix »
Organisé par la LDH, le Congrès de la Paix
s’est tenu à Annecy le 2 mars 2017
Pour donner sens au rêve de Victor Hugo : « Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées… » Le temps fut court pour permettre à la fois de débattre et d’être force de propositions d’actions concrètes sur le terrain, en particulier avec les jeunes générations. Cette initiative est la suite et la demande de solidarité lors des manifestations récentes avec le peuple Syrien. Le fait que des étudiant(e)s de l’IAE (Institut d’administration des entreprises d’Annecy-le-Vieux) soient associé(e)s est une bonne chose. Ils et elles se sont impliqué(e)s aux côtés de la LDH74. Ce congrès se déroula en trois temps : temps d’échanges sur les stands des associations – Interventions/conférences de personnes impliquées sur les terrains de conflits – Temps de débat pour exprimer les idées.
Stands des associations/temps d’échanges
Celles-ci œuvrent sur le terrain par des actions de solidarité dont elles témoigneront en séance plénière. Cela constitue un moment riche car les personnes abordent les problèmes et questions concrètes. C’est déjà un levier pour commencer à imaginer des projets sur d’autres terrains, construire des mises en lien et les futures initiatives. Il y a fort à faire compte-tenu de la dureté de la réalité.
Temps de conférences
École de la Paix de Grenoble avec Mathieu Damian
Cette association porte son action dans le champ de la formation pour que se construisent des « territoires de paix » en France et à l’étranger; faire en sorte de créer les moyens pour que la population civile intervienne. En amont, un travail de conscientisation est nécessaire. Ainsi, l’École de la Paix intervient sur certains quartiers de Grenoble (Mistral – La Villeneuve – Village Olympique…) Y sont associés des acteurs de terrain (écoles, centres sociaux, maisons de quartiers…). En dépit des difficultés, on agit dans la durée, en engageant le dialogue avec les jeunes pour développer le savoir agir, la fraternité…
Valéry Pratt – Développement du concept de paix perpétuelle
Par delà le droit de la guerre, nécessité de développer le droit à la paix. Dès le Siècle des Lumières cette idée est présente, puis le Douanier Rousseau l’exprime dans ses tableaux. Une transformation s’opère avec Kant dès 1795 avec la notion de paix perpétuelle où l’on établit des liens avec la question des Droits de l’Homme. Un peu plus tôt Rousseau s’exprime aussi dans le Contrat Social à propos de l’état de guerre soumis à la souveraineté des nations(1762). Par la lecture de Rousseau, Kant propose de construire une république morale. La paix n’est pas la cessation des hostilités, car chaque état doit être fédéré et pouvoir s’entendre avec les autres. Au XXème siècle s’opèrent de profondes transformations; en dépit de pactes, de traités de paix (cf le rôle de Kellog et de Briand en 1928), des procès pour juger les criminels; n’oublions pas Hiroshima/Nagasaki, les crimes à l’intérieur des états. Il y va de la responsabilité des états à protéger les populations. Passer de l’idéal de paix à la résolution non violente des conflits sur le terrain. Face aux guerres dites légales ou illégales; quel est le rôle de l’ONU ou des institutions internationales pour garantir les droits fondamentaux de tout citoyen? On ne peut que s’interroger quand on constate la violence des conflits, pour qu’il ait respect des conventions.
– Roland Fichet – France-Palestine Solidarité
La situation devient de plus en plus dramatique. On découvre les violations des droits au moyen de différentes cartes révélant la transformation des territoires pris aux Palestiniens. Cela pose la question du rôle des institutions internationales qui n’assurent plus la sécurité des peuples et acceptent les violences. On ne dévoile pas réellement les causes de ce grave conflit et qui sont d’ordre économique (rapt des richesses en eau et en terres, et de bien d’autres ressources). On comprend que des jeunes se révoltent ! Et pourtant ce dont on ne parle jamais c’est qu’il y a de chaque côté des tentatives de vivre en respectant l’Autre. Même si elles restent extrêmement minoritaires, nous devons les faire connaître, car cela prouve que cela est possible, qu’il n’y a pas de fatalité guerrière et liberticide!
Nizar Sassi Ancien détenu de Guantanamo – Intervenant sur la déradicalisation
C’est un témoignage de son expérience douloureuse, où il fut pris dans les mailles de filières djihadistes. Il fut remis alors entre les mains des forces américaines et qui le conduisirent prisonnier à Guantanamo. A sa libération commence un long travail de reconstruction pour comprendre qu’est-ce qu’il l’avait amené à se radicaliser. Chemin nécessaire pour prendre du recul sans idée de vengeance pour construire des rapports humanistes et transformer les mentalités.
Ivar Petterson – Président d’une association agissant en Bosnie-Herzégovine.
On sait que le conflit de l’ex-Yougoslavie a laissé des traces et continuent de le faire. Les incidences des nombreuses guerres civiles sont dramatiques conduisant à la fuite des populations, à cause des massacres et en dépit des Marches pour la Paix. Mais, qui a intérêt à ce que ces conflits perdurent dans cette région de l’Europe? Pourquoi tant de décisions parfois contradictoires? Qui est responsable?
Marcela Tobon Botero – Franco-Colombienne – Enseignante
Engagée dans le processus de paix depuis 1998. On sait que dernièrement le Prix Nobel de la Paix a été attribué à ce pays. Mais, la société civile a payé un lourd tribut pour enfin pouvoir aboutir à la construction d’une paix durable et à la démocratie. On doit s’interroger sur le rôle des médias dominants, de certains états, des puissances économiques qui sont derrière quand on pense au nombre de morts, à l’extermination des populations civiles fragiles, à la lutte entre différentes communautés que l’on monte les unes contre les autres. Les femmes ont joué un rôle important comme souvent sur ce continent.
Gorgui Ndoye – Journaliste africain à l’ONU et défenseur des droits de l’Homme
Pour lui, la question de la paix est cruciale à un moment où Donald Trump donne de la voix guerrière et bafouent les droits de l’Homme, au mépris des conventions internationales. Attaquer un peuple c’est s’en prendre à sa culture, son environnement, semer la peur et l’ignorance. Alors que l’on dépense de l’argent pour les armes de manière considérable; « mieux vaut prévenir que guérir ». Toutes ces guerres sont le reflet d’une pensée colonialiste et libérale.
Michel Der Andreassian – Député européen socialiste
De par ses origines est sensible à la notion de processus de paix. Ses fonctions l’ont amené à voyager à travers l’Europe. Il est important pour lui d’assurer la libre circulation des personnes et des biens sur ce continent. Il se rendra très souvent en Russie pendant de longues années, alors que se multiplient les conflits (comme celui de la Tchétchénie, l’Ukraine, les atteintes aux Droits de l’Homme, les interventions au Proche-Orient…) pour tenter de comprendre tous les changements en cours depuis la chute du communisme.
Dr Tawfik Chamaa – Médecin syrien de l’Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM)
Témoigne de la situation humanitaire en Syrie, pour sauvegarder la dignité humaine (par des soins psycho-sociaux et en psychiatrie). Il déplore que les matériaux médicaux ne puissent plus parvenir, que 5 Millions d’enfants sont sans scolarité… Il y a une multiplication des exactions par des bombardements barbares y compris sur les écoles et les hôpitaux; même si certains trouvent refuge dans des abris souterrains. Le silence international est pour lui une menace sur la paix mondiale et cela inquiète les humanitaires.
Temps des tables rondes, débats sur les clés d’une paix réelle et durable
Ce moment de la journée est l’occasion de prendre conscience de la montée des populismes à travers le monde. Il n’y a jamais eu autant de constructions de « murs de la honte » pour empêcher le franchissement des frontières de ceux et celles qui fuient les atrocités. Tout est fait en France par des forces politiques obscures pour que s’installe un climat de peur de l’autre. Certains partis sont aux avant-postes et les médias dominants développent une « peur médiatico-sociale ». On s’aperçoit que les états se laissent dépasser par les puissances d’argent, d’où la multiplication d’injustices et d’inégalités. Les premières victimes sont les plus fragiles. L’ONU en est réduite à un état d’impuissance au travers de son Conseil de Sécurité. Pourtant, plus que jamais, c’est la survie de l’humanité qui est en jeu quand on voit les problèmes d’environnement, le non respect des décisions de la COP 21. Cela aboutit à des déplacements de populations fruits des migrations climatiques ou attaques guerrières (ex : 60 Millions de réfugiés et déplacés par manque d’eau). En ce moment c’est le point chaud de l’Europe.
Alors, que faire sur le terrain face à la production de tant d’armes de destruction et qui coûtent cher? Le montant pourrait servir à assurer le développement de la planète? Plus que jamais l’éducation à la paix est fondamentale. Cela passe en particulier aussi au respect des Droits de l’Enfant (au travers de la CIDE), avec l’idée de « paix perpétuelle. Redonner espoir aux acteurs humanitaires et pas par des discours mais des actions de transformation au service de l’humain. Apprendre à coopérer et non mettre en concurrence les personnes et ceci dès le plus âge. Des pratiques existent déjà qu’il nous faut faire connaître et circuler, car, » la Paix est entre nos mains »…
Bibliographie :
15 Ateliers pour une culture de paix (Odette et Michel Neumayer -GFEN ) Édition Chronique Sociale Novembre 2010
L’éducation à la paix – Textes réunis par Bernadette Bayada, Colette Charlet et Maryse Michaud, à l’occasion du IVème Congrès International pour la Paix, à l’UNESCO, édité par le Centre National de Documentation Pédagogique- 1993