PHILOSOPHIE. Sommes-nous en panne d’humanité ?

L’arrivée de D. Trump à la présidence des USA pourrait avoir un avantage intellectuel certain : nous pourrons, moins que jamais, nous faire des illusions sur la politique américaine. Trump annonce la couleur et ce sera l’application sans complexe ni détour du précepte déjà très répandu  : « chacun pour soi. »

Encore une fois, la nouveauté sera seulement dans le discours car il y a longtemps que ce précepte est mis en pratique à peu près partout dans le monde et à tous les niveaux.

On disait autrefois, pourtant, que l’égoïsme était un défaut et, si on ne le corrigeait pas, on essayait au moins de justifier les comportements  égoïstes, partisans ou communautaristes en prétendant qu’ils correspondaient à des valeurs humaines universelles.

C’est le cas, par exemple, pour les religions monothéistes qui, toutes, affirment qu’elles obéissent au seul et unique Dieu existant dont les commandements s’adressent à tous les hommes, y compris à ceux qui n’ont pas eu connaissance d’un dieu ou à ceux qui, au contraire,  en reconnaissent un autre également unique et universel mais différent quant à ses volontés. Oui, chaque religion est universelle et considère la communauté de ses croyants comme l’unique représentante de la « vraie humanité ».

C’est le cas aussi pour la doctrine qui régit aujourd’hui le fonctionnement de notre société. La théorie économique formulée par Friedmann et l’école de Chicago se vante même d’avoir résolu le problème moral et politique de tous les humains passés, présents et à venir: « comment concilier la pulsion narcissique primaire à vouloir  tout s’accaparer sans tenir compte des autres avec  le devoir pressenti par quelques individus plus évolués de servir l’intérêt général? »

C’est très simple, nous disent les fondateurs du libéralisme économique, « fiez-vous à la loi du Marché, le Marché qui est la seule puissance universelle en ce monde : lâchez vos instincts, enrichissez-vous, c’est ainsi que vous concourrez à la prospérité économique de tous. »

Ainsi, l’égoïsme, l’avarice et la cupidité deviennent des vertus au service du bonheur universel.

C’est pourquoi les riches ont remplacé les saints et les martyrs et sont devenus nos héros. Merci Messieurs Pinault, Bolloré et consorts…

Au fond, ne disait-on pas : « chacun pour soi et Dieu pour tous » ? On peut dire tout aussi bien : « chacun pour soi et le Marché pour tous ! »

L’ennui, c’est que, si le principe est bien ancré aujourd’hui dans le comportement des individus, des communautés et des nations, le résultat que l’on peut constater est, lui, très discutable.

Le « chacun pour soi » individualiste ne semble pas la solution la meilleure pour faire vivre ensemble des hommes en bonne intelligence et ce n’est pas étonnant puisqu’il ne signifie rien d’autre que la « loi de la jungle » dans laquelle le plus fort écrase le plus faible.

Au niveau communautariste, ce n’est pas mieux. Si chacun s’enferme dans le sentiment de sa supériorité par rapport aux autres, on n’est pas prêt de voir la paix régner. Les Français de souche continueront à refuser les Français de non souche, les intégristes de toutes les croyances continueront de vouloir exclure les « autres », les classes dominantes perpétueront leur domination et les Etats, réduit à n’être que des coalitions de communautés, continueront à signer entre eux des contrats pour se donner les moyens  de se faire la guerre en toute légalité.

Voyez l’Europe, cette belle association de nations autrefois adversaires, qui s’est donné les moyens, en devenant l’Union Européenne, de prolonger cette adversité par des traités  qui privent les nations de toute indépendance et les soumettent à la dictature des plus riches au détriment des plus faibles.

Voyez les traités de partenariat économique (TPE) imposée par les pays occidentaux aux peuples africains pour les exploiter encore et toujours.

Voyez les alliances intéressées de l’État français avec l’Arabie Saoudite, Israël ou le Qatar  au mépris des droits humains les plus élémentaires.

Hélas ! Les exemples ne manquent pas où le « chacun pour soi » et la loi du plus fort piétinent allègrement le devoir de solidarité universelle.

Mais savons-nous encore ce qu’est un devoir ?

Et si nous le savons, pouvons-nous encore prononcer ce mot sans sourire ?

Pouvons-nous vouloir ce que nous ne désirons pas ?

Pouvons-nous envisager de laisser un moment de côté l’intérêt personnel à court terme, envers et contre tous les autres, pour écouter en nous ce que nous pourrions appeler la conscience morale ou la raison, capable parfois de sacrifier le plaisir égoïste au sentiment de dignité.

Le philosophe allemand,  Kant, distingue deux commandements internes à chacun et qui prescrivent le devoir:

le premier (appelé impératif hypothétique) édicte la morale hypocrite ou commerciale : exemple « si tu veux que tes clients te fassent confiance et achètent chez toi, SOIS HONNÊTE ».

le deuxième (appelé impératif catégorique) dit, selon le même exemple : « SOIS HONNÊTE». Non par intérêt  mais par respect de ce qu’il y a d’universel, ou d’humain, en chacun de nous.

Pour la même raison, il dit: SOIS MEMBRE SOLIDAIRE D’UNE SEULE COMMUNAUTÉ, L’HUMANITÉ.

 

Auteur: librinfo74

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