Mobilité douce, douce, douce … !
Envoyé par Patrick Sureau, un abonné à librinfo, nous publions un article à la fois original et riche en propositions sur les perspectives d’une mobilité douce dans le région annécienne.
Daniel veut aller de chez lui (Meythet) à Faverges, avec un copain, mais pas à vélo,car il n’est pas très en forme. En frappant deux fois dans ses mains, Daniel (D) appelle de la voix son téléphone portable (TP) :
D « Téléphoner ! ».
Ce dernier répond, d’une voix douce, qu’il avait choisie pour cette « copine électronique »
TP « je suis prête ».
D « Mobilité »
TP « où veux-tu aller ? »
D « de chez moi à Faverges, 19 av de Genève, dès que possible avec deux personnes »
TP « véhicule 436, dans 10 minutes, à 14h25 »
D « ciao »
Eh oui, c’est comme cela que l’on pratique, de nos jours.
Tous les appareils sont à commande et reconnaissance vocale, et le type de voix est programmable, personnalisée sur chaque appareil. Daniel n’a pas de voiture, d’ailleurs presque personne n’en a.
Il utilise les services du TAPA (Transport Automatisé Personnel Annécien). Ce service est disponible en permanence, tous les jours et aussi la nuit.
Il s’agit de véhicules électriques sans conducteur, à récupération de l’énergie de freinage, qui se déplacent sur les routes à 30km/h.
Suivant les heures et les jours, des véhicules différents peuvent transporter 4 ou 16 personnes, et même des vélos, bagages, engins de plage …
Ils ne sont pas plus larges qu’une voiture.
Ils circulent sans encombre, car, à part eux, seuls roulent quelques camions électriques, et de nombreux vélos, souvent à assistance électrique.
En plus, ils sont prioritaires partout, ainsi que les vélos.
Daniel fait de sacrées économies : pas de frais de parking ni de voiture.
Juste une facturation mensuelle, raisonnable, fonction de l’utilisation du service.
Le voyage continue « doucement » !
Le véhicule 436, disposant de quatre places, arrive devant chez lui à l’heure indiquée.
Il y a déjà deux personnes.
Lui et son copain montent devant.
Leur identité est vérifiée automatiquement, grâce à une puce, implantée dans leur corps.
Daniel parvient à entendre la conversation des deux autres passagers. L’un d’eux parle de lui.
« Je le reconnaîs, c’est le type qui a eu l’idée du TAPA »
« Oui, c’est bien lui »
L’origine du projet
Daniel se remémore comment il en est arrivé là.
Dix ans en arrière, en 2016, la pollution atmosphérique était très forte dans le bassin annécien.
Aux heures de pointe, les voitures (à essence ou diesel) n’avançaient guère.
- Le trafic augmentait chaque année, le bassin étant attractif.
Aux heures de pointe, les bus n’avançaient pas plus vite que les voitures qui se déplaçaient lentement, et il fallait souvent rester debout.
Par ailleurs, ils n’étaient pas très remplis aux heures creuses, s’arrêtaient tôt le soir et démarraient trop tard le matin, roulaient peu le dimanche, et coûtaient cher à la collectivité. - La circulation à vélo était dangereuse.
D’ailleurs, deux de ses connaissances, qui roulaient à vélo, s’étaient retrouvées à l’hôpital, un jeune, renversé dans une zone 30, et un vieux copain, qui avait dû se faire poser des broches.
La vitesse en ville n’était limitée qu’à 50km/h, avec des passages à 70km/h ! Il avait collé sur sa voiture un document, qu’il avait fait, incitant à limiter à 40km/h la vitesse dans l’agglomération. - Le bruit était omniprésent.
Malgré les campagnes mensongères de publicité, les touristes commençaient à déserter Annecy.
Mise en œuvre du projet
Daniel s’intéressait depuis longtemps aux projets novateurs en matière de transport.
La taille de l’agglomération (de l’ordre de 140.000 personnes, ou 200.000 selon qui on inclut), était trop faible pour la rentabilité de tramways.
La configuration, essentiellement de plaine, ne se prêtait pas non plus au transport par fil.
Il avait entendu parler du PRT (10), transport automatisé de personnes, qui roulait en site propre, souvent relié à un monorail.
Mais cela demandait une certaine infrastructure.
En même temps, il savait que le transport sans conducteur, sur route (12), avait été expérimenté dans plusieurs villes (La Rochelle (15), Versailles).
Pour concilier les deux solutions, transport automatique, mais pas forcément en site propre, il fallait pouvoir circuler assez vite sur des routes, actuellement encombrées.
Si la solution était efficace, elle convaincrait les usagers de ne plus utiliser leur voiture.
Pour cela, il a eu l’idée de préparer progressivement la population au covoiturage : annoncer à l’avance que tel mardi, les voitures transportant moins de 3 personnes ne pourraient pas circuler de 7h30 à 9h, et que cela serait systématisé progressivement tous les jours ouvrés.
En même temps, il fallait préparer des parkings de covoiturage avec du personnel en assistance, améliorer les sites internet de covoiturage, et impliquer l’ensemble de la population par une large campagne d’information.
Il pensait aussi prioriser le tranport en commun (et à vélo), par rapport à la voiture : ronds-points, feux automatiques (cela existait déjà à Chambéry).
Autre aspect : pour faciliter le transport des courses et achats divers, il pensait à la mise en place d’une livraison à domicile groupée, à des heures creuses déterminées avec le client, et au moyen de véhicules électriques ou non polluants.
Pour cela, un groupe multidisciplinaire d’étudiants a travaillé sur le sujet.
Daniel misait sur l’avancement des technologies (intelligence artificielle), pour la prévision de trafic en fonction de divers facteurs (calendrier, météo, saison , événements exceptionnels), avec l’analyse automatique, et aussi la possibilité d’intervention humaine.
Le but était de gérer le stockage des véhicules à des endroits d’où ils pourraient intervenir le plus rapidement.
L’ensemble du projet prit forme, et, comme il y avait peu d’infrastructures à créer, il aboutit rapidement.
L’idée initiale était d’avoir une vue à dix ans, et des plans de réalisation de trois ans. A présent, on peut à tout moment aller d’un point à un autre du bassin, sauf encore dans quelques zones très reculées.
L’accent a été mis sur la fiabilité et la sécurité :
- audio surveillance dans tous les véhicules,
possibilité de verrouillage des portes jusqu’à un point d’intervention du service d’ordre, intervention immédiate de véhicules de remplacement et de remorquage,
multiplicité des sources de production électrique,
service d’accompagnement et opérations de prévention.
Sur les routes, la vitesse de la circulation a été limitée à 30km/h presque partout, la nuisance sonore a presque disparu, l’autoroute a été couverte.
Au début, les réticences ont été fortes (‘on y a toujours fait comme ça, pourquoi changer ?’), mais des élus motivés ont fait aboutir le projet.
Références
10 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Personal_Rapid_Transit http://www.talloiresdd.com/ https://www.google.fr/search?
q=prt&biw=864&bih=391&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjhw5j7lI7OAhUCWxoKH VouAXQQ_AUIBigB&dpr=2.22
12 : https://humanoides.fr/la-navya-arma-choisie-par-laustralie-pour-des-tests-sur-route/
15 : http://larochelle-rebelle.blogspot.fr/2014/12/avec-ses-bus-sans-chauffeur-la- rochelle.html