La Charte de La Havane ou le protectionnisme est (d’abord) un altruisme.

Impossible d’utiliser ce mot : « protectionnisme » sans aussitôt provoquer l’arrivée de synonymes obligatoires : « égoïsme », « retrait sur soi », « nationalisme », nous sommes tellement bien conditionnés par la propagande néolibérale qui coule à flots dans les médias !

Pourtant, jusqu’à présent, nous, populations privilégiées des grandes puissances du Nord, avons profité largement de l’interdiction libérale du protectionnisme. D’autant plus que cette interdiction empêchait les pays défavorisés, du Sud en général, de se défendre contre l’invasion systématique de nos exportations.

Pourquoi les paysans du Burkina Faso continueraient-ils à cultiver du coton quand leurs marchés regorgent du coton bon marché que les États-Unis leur fourguent de force ?

Pourquoi les éleveurs camerounais s’acharneraient-ils à élever des poulets quand les consommateurs de leur pays sont inondés d’ailes et de bas-morceaux des poulets de nos éleveurs en batteries à des prix « défiants toute concurrence »?

Notre productivisme effréné a  utilisé l’interdiction libérale du protectionnisme pour réduire à la misère des millions de petits paysans incapables de faire face a la concurrence déloyale des grandes entreprises internationales.

Aujourd’hui, quand les grands traités transatlantiques (TAFTA, CETA, TISA …) nous menacent, nous prenons conscience des ravages que produit ce système de concurrence « libre et non faussée », nous comprenons qu’il s’agit d’une guerre et nous évoquons, avec un peu de culpabilité, la possibilité de reprendre la maîtrise de notre commerce et le contrôle de nos frontières.

Cette culpabilité s’explique, non seulement parce que nous avons profité du système jusqu’à présent sans trop nous soucier des conséquences, mais aussi parce que le mot : « protectionnisme » fait partie du vocabulaire du Front National dans lequel il est associé au nationalisme et à toutes les perversions qui s’ensuivent en termes de xénophobie.

Il faut pourtant se rappeler que, dans la sagesse de l’après-guerre, les nations avaient envisagé de construire un système commercial international qui, au lieu de tout faire reposer sur la concurrence, se donnait pour principe la coopération.

Le 18 février 1946, le conseil économique et social des Nations unies convoquait une « conférence internationale sur le commerce et l’emploi en vue de favoriser le développement et la production des échanges et de la consommation des marchandises ».

La conférence s’est tenue à La Havane (Cuba) du 21 novembre 1947 aux 24 mars 1948. Elle a produit la « Charte de La Havane » instituant une « Organisation Internationale du Commerce » (OIC).

Cette « Charte de La Havane » prévoyait que tous les pays membres organiserait leur commerce dans le but

1/ de veiller au maintien du plein emploi dans chaque Etat.

2/ de protéger l’équilibre de la balance des paiements de façon à, ce qu’aucun pays ne soit en situation d’excédent ou de déficit.

3/ d’interdire le « dumping ».

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Enfin de permettre à chaque pays, par une politique concertée et favorable à tous, de maintenir un commerce équitable, dont aucun membre ne soit la victime des autres.

En attendant la signature définitive de la « Charte de La Havane », le GATT avait été instauré. Mais en 1950 les USA se rendent compte que ces accords seraient nuisibles à leurs volonté d’expansion et refusent de ratifier le traité.

C’est pourquoi nous aurons, en 1994, les abominables accords de Marrakech qui instituent l’OMC ( Organisation Mondiale du Commerce) avec les conséquences que nous connaissons malheureusement : il est interdit (surtout aux petits pays encore technologiquement peu développés) de résister aux mastodontes de l’industrie capitaliste. Et cela s’appelle le libéralisme.

Les traités transatlantiques qui nous menacent ne sont rien d’autre que le libéralisme appliqué à des pays comme le nôtre qui ont fait partie longtemps des bénéficiaires de ce système et qui aujourd’hui en mesurent la nocivité par la destruction des services publics, l’austérité et la misère et, surtout la perte de leur indépendance, la perte de leur « souveraineté » (encore un mot tabou de la gauche).

L’alternative au mondialisme pervers ne consiste pas uniquement dans le nationalisme étriqué. Une coopération internationale est toujours possible entre nations indépendantes et intelligentes.

Cela s’appelle « internationalisme », n’ayons pas peur des mots.

Auteur: librinfo74

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