Les mots tabous de la gauche.
Dans un article du 14 janvier 2014 nous avions déjà posé la question : « Pourquoi le front de gauche échoue face au Front National ? »
L’actualité des régionales nous amène à revenir sur la question qui devient de plus en plus cruciale.
La gauche de gouvernement a viré à droite. La gauche radicale ressemble à une peau de chagrin. Le peuple de gauche, désespéré, voit une partie de ses électeurs voter pour le Front National comme pour un ultime recours.
Si nous voulons éviter la catastrophe politique et sociale qui menace tous ceux qui ne participent pas au pouvoir financier mondial, tous ceux qui apprennent chaque jour un peu plus ce qu’est l’austérité, la restriction des libertés publiques et, plus simplement, le mépris du pouvoir à leur égard, nous devons réagir au plus vite.
Et, pour cela, il est temps de récupérer les exigences qui sont les nôtres mais que nous n’osons plus exprimer parce que les mots qui les nomment nous ont été volés et ont été dévoyés par le parti de l’extrême droite.
Trois mots, devenu tabous, doivent être récupérés.
–Protectionnisme.
À moins de souhaiter la généralisation du libre-échange avec des traités comme le TAFTA entre les États-Unis et l’Union Européenne, il est urgent d’exiger le retour à une coopération entre les peuples qui ne soient plus une guerre économique et sociale.
La libre concurrence n’est que le prétexte des multinationales pour supprimer tous les services publics, baisser les salaires et généraliser le chômage.
Sans protection intelligente de nos importations, nous serons, comme c’est le cas déjà dans nombre de pays du Sud, envahis par les produits de la plus basse qualité, fabriqués au mépris des travailleurs, réduits à l’esclavage, et de l’environnement qui devient invivable.
Ne confondons pas protections commerciales et fermetures des frontières. Remettons les choses à leur place : aujourd’hui les capitaux et les produits circulent librement (libéralisme), non les hommes. Nous préférons abattre les murs entre les hommes et protéger notre agriculture et nos industries.
–Souveraineté populaire.
Nous prétendons être en démocratie et nous nous retrouvons soumis au pouvoir financier des multinationales qui détruisent toutes les petites entreprises locales. Nous obéissons aux diktats du FMI, de la banque centrale européenne et de l’Union Européenne dirigés par des individus que personne n’a élus.
Nous sommes privés non seulement de tout pouvoir politique puisque nos gouvernements sont tous aux ordres de la troïka, mais aussi du pouvoir monétaire. Nous nous retrouvons livrés, pieds et poings liés, aux banques qui ont accaparé le pouvoir de créer la monnaie et aux investisseurs privés qui nous écrasent sous le poids d’une dette injustifiée.
Au nom de cette dette, qui fait de nous des obligés, on nous assène une politique d’austérité qui, stupidement et ignoblement, pressure les plus pauvres pour grossir la fortune du 1 % de la population qui accumule la richesse et en prive les 99 % restants.
–Union européenne.
Parce que nous faisons partie de l’Union Européenne et que l’Union Européenne est le relais européen du pouvoir économique mondial, nous sommes contraints de nous plier au système économique qui est, expressément, inclus comme indiscutable dans les traités fondateurs (Depuis les traités de Rome jusqu’au traité de Lisbonne.)
Il n’y aurait, soi-disant, aucune alternative.
Nous avons vu comment l’union européenne a traité la Grèce suite à ses velléités d’indépendance. Il s’agit d’un véritable terrorisme économique.
La commission européenne n’a rien trouvé de mieux pour nous tenir que de décider d’utiliser les économies des petits épargnants en cas de faillite bancaire.
C’est l’UE qui négocie les traités de libre-échange qui doivent nous soumettre toujours davantage.
Aucune démocratie n’est possible au sein de l’Union Européenne. Nous devons tout faire pour nous libérer de sa dictature.
Et ce n’est certes pas le Front National qui nous libérera. Il s’est approprié ces concepts pour sa propagande mais nous ne pouvons en aucun cas faire confiance à un parti nationaliste. La souveraineté populaire n’a rien à voir avec le nationalisme qui oppose les peuples les uns aux autres. Si les peuples sont libres et souverains, ce n’est certainement pas pour se faire la guerre entre eux mais, au contraire, pour coopérer les uns avec les autres dans le respect de l’indépendance de chacun et afin de se libérer de ce qui les écrase tous, les totalitarismes et autres fascismes de ceux qui se veulent au-dessus des peuples pour les asservir.
Lire à ce sujet le livre d’Aurélien Bernier : La gauche radicale et ses tabous. (Seuil, Janvier 2014.)