Quand la liberté est inconfortable, le droit de ne pas être libre est un cadeau.
La nouvelle réforme des collèges concoctée par notre gouvernement met en avant le concept de « liberté pédagogique ». Si l’on se penche un peu sur le sens de cette formule, on s’aperçoit qu’elle recouvre, en fait, non plus le choix de la méthode d’enseignement ( ce qui était son sens antérieurement) mais la possibilité de choix négatifs portant sur le contenu de l’enseignement: l’enseignant pourra ne pas traiter telle ou telle partie du programme considérée comme secondaire. Par exemple, en histoire, l’étude de la période des lumières, au XVIIIe siècle, sera facultative.
Ainsi, la « liberté pédagogique » apparaît comme une expression dont le but est de cacher un réel appauvrissement de l’enseignement et, par conséquent, un affaiblissement de la liberté que confèrent le savoir et la conscience..
Et ce n’est pas le seul cas où le mot liberté est employé à contresens, pour camoufler son contraire, la contrainte.
La liberté de voter, considérée comme le droit démocratique par excellence, se réduit maintenant à choisir l’équipe gouvernementale qui nous imposera la politique des puissances de l’argent.
La liberté de pensée elle-même nous est offerte comme la possibilité de choisir la croyance, l’opinion, le parti pris qui nous dispensera ensuite de véritablement réfléchir, de nous informer sérieusement et, éventuellement, de remettre en cause les modèles existants. Elle s’épanouit le plus souvent sous la forme très valorisée de la liberté de ne pas penser et de s’en remettre aux médias dominants, eux-mêmes relayant les ordres du pouvoir.
Ne parlons pas de la liberté du travail, je veux dire de la liberté de travailler et de gagner sa vie. Elle n’existe manifestement que pour une fraction de la population de plus en plus restreinte et dans les conditions imposées par ceux qui possèdent les moyens de production.
Il nous reste peut-être la liberté d’expression dont nous usons ici pour critiquer les restrictions de liberté. Sans doute faut-il se presser de le faire étant données les menaces qui se profilent à l’horizon puisque la nouvelle loi sur le renseignement, votée à une large majorité à l’assemblée nationale, fait en sorte que tout ce que nous écrivons, voire tout ce que nous disons, sera surveillé.
Quand on pense, en outre, aux relations étroites que notre gouvernement entretient avec des dictateurs qui jettent les gens en prison et les condamnent au fouet pour ce qu’ils ont écrit sur leur blog (et je pense ici à Badawi, menacé de mort en Arabie Saoudite), on peut, à juste titre s’inquiéter.
Mais le pouvoir, sans aucun doute, n’a d’autre but que de nous protéger. De nous protéger de tout ce qui pourrait nous permettre, en devenant libres, de prendre conscience des contraintes insupportables qui pèsent sur nous et de n’avoir plus de choix qu’entre la soumission et la révolte, ce qui, à coup sûr, est inconfortable.