PHILOSOPHIE. A quoi sert la laïcité ?
La laïcité consiste, entre autres, à promouvoir l’universalisme (1) ou ce qui est commun à tous.
L’ennui, c’est que chaque religion, chaque culture et même chaque individu se fait une idée très personnelle de l’universel, de sorte que cet universel est la chose du monde la moins partagée.
On pourrait avancer que ce qu’il y a de commun entre tous les humains est le besoin de manger à sa faim, d’avoir un toit, de pouvoir se reposer, se reproduire, se cultiver et d’être intégré à une communauté qui respecte et garantit ces besoins communs.
Mais cette intégration, qui est fondamentale pour la survie de l’homme et sa formation, implique l’adhésion à un discours commun qui définit les valeurs. Or, ce discours, essentiel à chaque communauté, est, également par essence, non universel et non universalisable.
Il faudrait donc que l’universel se déploie en dehors et à côté du singulier individuel et communautaire et que l’adhésion à l’un n’empêche pas l’adhésion à l’autre. Là est la difficulté.
Les Droits de l’Homme, par exemple, que l’Occident propose comme universels, sont clairement issus de la morale chrétienne. Il est vrai que l’on peut rejeter la foi chrétienne sans les refuser mais il n’en va pas de même avec les autres religions ou idéologies qui leur sont, à l’origine, étrangères.
Même si cela nous choque, nous ne pouvons, nous, occidentaux, imposer les Droits de l’Homme comme universels à toutes les communautés et à toutes les cultures, pas plus que nous ne pouvons leur imposer, comme universels, notre système économique et notre conception de la liberté « libérale », sauf à retomber dans nos travers colonialistes.
A partir de là, on peut se rendre compte de la difficulté de définir la laïcité de façon universelle.
Il va de soi, pour nous, que nous pouvons tolérer, voire respecter, toute idéologie différente de la nôtre à condition qu’elle n’entre pas en contradiction avec nos valeurs fondamentales, celles que, justement, nous concevons comme universelles et, a fortiori, si cette contradiction combat nos principes et les bafouent sur leur propre terrain.
La tolérance pour toutes les croyances qu’implique la laïcité est possible, en théorie, tant que ces croyances ne portent pas préjudice à nos propres convictions et ne nous empêchent pas, par exemple, d’exercer notre liberté d’expression. Au-delà, la tolérance devient faiblesse et relève du suicide culturel.
La laïcité est alors revendiquée, non plus pour permettre à tous de croire ce qu’ils veulent, mais pour protéger nos valeurs et nos convictions de la force de propagande qu’exercent sur elle les croyances différentes.
Celles-ci pourront alors nous reprocher d’utiliser la laïcité comme une arme pour les combattre. Ce qui ne sera pas faux mais pas non plus injustifié.
(1)Cf. notre article, librinfo74 du 18 Mars 2015: Une définition de la laïcité.