La commission d’enquête sur le Lyon Turin soupçonnée de conflit d’intérêt. Le Tribunal administratif de Grenoble et le Préfet de l’Isère ferment les yeux.
Dans un article paru dans politis sous le titre « LGV Lyon-Turin : le troublant courrier de soutien d’un magistrat au grand projet inutile », notre confrère apporte la preuve d’un conflit d’intérêt entre le Vice-président du tribunal administratif de Grenoble, Pierre Dufour, chargé de l’enquête et Pierre-Yves Fafournoux, président de la commission d’enquête publique chargée du dossier. Les commissaires enquêteurs avaient été désignés par les juges seux-mêmes.
Le Préfet de l’Isère est saisi, mais ne réagit pas
Le 12 juin, la Coordination des opposants au Lyon Turin (CLT) et des élus déposent un recours au préfet de l’Isère pour « lui révéler des faits concernant des commissaires enquêteurs, de nature à justifier l’engagement d’une procédure de radiation de la liste des commissaires enquêteurs ».
Le Préfet disposait d’un délai de deux mois pour répondre à cette demande et ne l’a pas saisi, rejetant implicitement le recours. C’est à la suite de ce rejet que les opposants ont entamé une nouvelle procédure qui, cette fois-ci, vise les décisions du tribunal administratif de Grenoble.
Écartant d’un revers de la main les accusations portées par les opposants au Lyon-Turin, le vice-président du Tribunal Administratif apporte sa confiance totale à la commission d’enquête.
Dans ce courrier électronique daté du 10 octobre 2012, envoyé à la commission d’enquête, Pierre Dufour apporte son soutien total au travail réalisé par les commissaires enquêteurs, dont un des membre est accusé de conflit d’intérêt. Il s’agit de Guy Truchet, membre de la commission d’enquête présidée par Pierre-Yves Fafournoux. Guy Truchet n’est autre que le frère de Roger Truchet, dirigeant de Truchet TP. Cette entreprise est nommément citée dans le rapport de la commission d’enquête, qui invite « RFF à étudier le mémoire de l’entreprise Truchet TP, qui propose de mettre à disposition du projet un terrain de 9 hectares [pour y stocker] 950 000 mètres cubes de déblais, après autorisation d’extraction de matériaux alluvionnaires », moyennant finance.
Le plus étonnant est que le Préfet a cautionné l’absence de déclarations de conflits d’intérêts des membres de la commission. Il a également « couvert » le fait que ces commissaires enquêtaient sur d’autres affaires liées au Lyon-Turin, et qu’ils menaient de front plusieurs enquêtes, ce qui ne leur donnait pas le temps de réaliser un travail sérieux et complet.
Dans cette affaire, le gouvernement met la pression.
Implicitement, tous les acteurs publics de ce projet savent que le gouvernement veut à tout prix réaliser cette ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. C’est ce qui expliquerait que tous les éléments venant contester l’avancée du projet sont délibérément ignorés. Concernant Guy Truchet, le président aurait dû exercer une vigilance suffisante pour détecter cette entorse à la règle déontologique.
La commission « Mobilité 21 » ignorée
En juillet 2013, la commission Mobilité 21 (dite commission Duron), recommande de reporter ce projet après 2030. Le Premier Ministre qui avait dit qu’il suivrait les recommandations de cette commission a signé malgré tout la Déclaration d’utilité publique.
La mafia tire les ficelle côté italien
Pour couronner le tout, la député européenne Sabine Wils donne des éléments précis sur l’implication de la Mafia dans les financements côté italien.
Voici quelques extraits traduits de ce qu’elle décrit :
« M. P. Comastri, directeur général de Lyon Turin ferroviaire (LTF), société chargée de réaliser les travaux de reconnaissance du projet prioritaire n° 6 et M. W. Benedetto, directeur des travaux de LTF, ont été condamnés pour trucage d’appel d’offres, par le tribunal ordinaire de Turin, respectivement à huit mois et un an de prison »
« Les écoutes téléphoniques montrent que M. P. Comastri a soustrait des documents à la justice italienne en les transmettant au siège de LTF à Chambéry », et « il est resté à son poste jusqu’en 2011 avec pouvoir de passer des marchés jusqu’à 10 millions d’euros »
« Les sociétés Italcoge et Martina Srl, sous-traitantes de LTF, ont été mises en liquidation judiciaire pour banqueroute frauduleuse et répertoriées comme liées à la N’Drangheta, organisation criminelle italienne »
Les opposants dénoncent les conditions douteuses d’une enquête publique portant sur un projet évalué par la Cour des comptes et les services du Trésor à 26,1 milliards.